Il était une fois l’AOP Huile d’Olive de Provence

Il était une fois l’AOP Huile d’Olive de Provence

par Olivier Nasles, Président du Syndicat Huile d’Olive de Provence.

Raconter plus de 20 ans d’histoire en quelques lignes n’est pas évident et surtout, je ne suis pas sûr que la petite équipe qui s’est lancée dans l’aventure en 1997 imaginait un seul instant que la route serait si longue !

Mais pourquoi une AOP HUILE D’OLIVE DE PROVENCE ?

Il faut se replonger dans le contexte de l’époque. En 1990, les accords de Dublin permettent la naissance d’Appellations d’Origine Protégée pour l’Agro-alimentaire au niveau européen. C’est une révolution puisque, jusqu’à cette date, seul le vin avait le privilège d’être reconnu. Ces accords se traduisent deux ans plus tard par un Règlement qui donne naissance aux AOP mais aussi aux Indications Géographiques Protégées (IGP). La France, naturellement, confie à l’INAO la gestion de ces nouveaux signes. S’en suit une course à la reconnaissance de toutes les Appellations existantes dites d’Origine Judiciaire à commencer par le Roquefort, mais aussi toute une série de fromages (Cantal, Comté, Reblochon, …). En huile d’olive, il n’existe qu’une AOJ, c’est l’huile et l’olive de Nyons qui sera la première à obtenir le graal en 1994 avec un certain Christian Teulade comme leader.
La Vallée des Baux-de-Provence se lance dans l’aventure avec Jean-Pierre Lombrage et Christian Rossi, la Haute- Provence avec André Pinatel et c’est Robert Cheylan qui me pousse dans la marmite d’huile d’olive en flattant mon « ego » me disant : l’Huile d’Olive d’Aix-en-Provence a besoin de toi !

Le syndicat de l’huile d’olive d’Aix-en-Provence est constitué sous la présidence du regretté Jean-Pierre Gauthey issu de la Confrérie des Chevaliers de l’Olivier du pays d’Aix. Et nous voilà partis ! Cette première phase, comme dans tout projet qui démarre, est relativement simple. La Vallée des Baux-de- Provence obtient l’AOC en 1997, Aix-en-Provence et Haute- Provence en 1999.

Très vite se pose le problème de l’usage du mot « Provence ». Trois appellations oléicoles l’utilisent mais que faisons-nous des deux autres départements provençaux le Var et le Vaucluse qui n’ont pas accès à l’Appellation. C’est là que l’histoire se corse (sans jeu de mots) et que les traumatismes de mon enfance remontent à la surface. Traumatisme causé par l’appropriation de ce nom magique par les vignerons du Var et d’une petite partie des Bouches-du-Rhône qui ont créé en 1947 l’AOC Côtes- de- Provence interdisant au reste de la région de l’utiliser.

Pour moi, il n’était pas question que le secteur oléicole refasse la même erreur. Aussi je me mis en tête de convaincre les trois Appellations en gestation d’organiser l’usage du mot « Provence » en poussant un modèle bien connu dans le monde du vin, celui de l’Appellation Régionale recouvrant les Appellations locales qui deviendraient ainsi des Crus. Au passage, admirez mon ingénuité de croire qu’une classification administrative pouvait créer une hiérarchie ! En 1997, pleins d’illusions, nous portons sur les fonds baptismaux un syndicat Huile d’Olive de Provence constitué par les trois syndicats existants Aix, Les Baux et Haute-Provence complétés des Groupements des Oléiculteurs du Var et du Vaucluse. Sur le papier, c’est simple et prometteur. Jean-Pierre Gauthey, qui en est le premier Président, est persuadé que tout ira très vite. La suite lui démontra que non !

En 2000, les trois appellations ayant obtenu leur précieux sésame, Jean-Pierre Gauthey me transmet la Présidence du Syndicat. J’aurais dû me méfier… Ma vision simpliste de vigneron, sûr de son fait, allait rencontrer une première difficulté : le Règlement Européen de 1992 ne prévoyait pas la notion de hiérarchisation pour les AOP agro-alimentaires.

Dans cette aventure au long cours, j’ai eu la chance de croiser des hommes qui ont eu un rôle crucial et ont sauvé le soldat « Provence » que tout le monde voyait condamné. Le premier d’entre eux fut Claude Sarfati, Inspecteur National de l’INAO, chargé d’une mission d’expertise qui conclut à la légitimité d’une AOC Provence en démontrant qu’il existait bien une famille Provence qui n’avait rien à voir avec ses voisines de Nîmes, Nyons ou Nice.

Après quelques soubresauts et quelques traitrises que je me suis obligé à oublier, mais grâce au soutien sans faille de Pascal Laville, Chef du Centre INAO d’Hyères et de Marianne Etrioux Ingénieur Projet, le dossier franchit obstacle après obstacle pour arriver devant le Comité National Agro-alimentaire. Le deuxième homme providentiel, sans qui notre appellation n’existerait pas, fut le Président du Comité Michel Prugues qui imposa lors d’un mémorable Comité National à Arles, le 26 octobre 2006, le vote de reconnaissance de notre appellation.

LE 14 MARS 2007, L’APPELLATION D’ORIGINE CONTROLÉE
HUILE D’OLIVE DE PROVENCE ÉTAIT NÉE !

La parution du Décret au Journal Officiel aurait dû clôturer l’aventure dix ans après la naissance du Syndicat, la suite, une nouvelle fois, nous prouva que non ! Commence alors l’aventure européenne de notre dossier qui allait établir un record toute catégorie au sein de l’Union et qui, je pense, ne pourra jamais être battu, celui de la plus longue instruction en AOP. Treize longues années nous séparent de ce 21 Février 2020 qui verra notre Cahier des Charges publié au Journal Officiel de l’Union européenne. Treize années d’un combat plein de rebondissements comme ce courrier de la Commission Européenne du 7 juillet 2010 qui nous informait d’un projet de refus d’enregistrer notre appellation.

Dans notre malheur, nous avons eu la chance, une nouvelle fois, de pouvoir compter sur des hommes et des femmes de qualité à l’INAO et au Ministère de l’Agriculture à commencer par Jean-Louis Buer, directeur à cette époque de l’INAO, Christine Avelin, directrice adjointe et Eric Giry, commissaire du gouvernement qui ont retiré le dossier avant que le refus officiel ne fut rédigé, coupant l’herbe sous le pied de la Commission, celle-ci, en 2012, se vengera en interdisant cette possibilité de retrait…

Il fut alors décidé de retravailler entièrement le dossier, de le structurer différemment et d’atendre aussi que la philosophie de la Commission évolue. Ce n’est que cinq ans plus tard qu’un nouveau cahier des charges fut instruit par le Comité National qui aboutit à une nouvelle curiosité juridique (mais nous n’en étions pas à une près) à savoir que le 16 Novembre 2016, l’AOC Huile d’Olive de Provence est reconnue une deuxième fois ! S’en suit une longue PNO (Procédure Nationale d’Opposition) qui aboutit à la publication officielle de ce nouveau cahier des charges le 21 Février 2018 au JO de la République Française, deux ans jour pour jour avant la reconnaissance officielle et définitive de l’Appellation d’Origine Protégée par l’Union Européenne, le 14 Février 2020, un joli cadeau de Saint- Valentin !

Vous voyez, c’est une romance, une longue histoire à raconter, presqu’un roman de gare. Je ne peux citer tous les acteurs qui ont tenu un rôle dans cette aventure mais je ne peux pas terminer ce récit sans citer Stéphanie Delaye qui, depuis 1997, a été de toutes les galères. Sans oublier les mouliniers et les oléiculteurs qui m’ont soutenu sans faille : les Varois Olivier Roux, Christian Berton et Vincent Castel, les Vauclusiens André Besset, Dominique Rocher et Jean-Noël Haut et les Alpins Jean-Michel Thumin et Jean-Claude Silvy.

Je terminerai cette longue litanie de remerciements par mon compère de vingt-cinq ans à l’INAO, qui a accompagné la naissance de toutes les Appellations oléicoles Christian Teulade, l’AOP Huile d’Olive de Provence lui doit d’exister !

 

 

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